Risques et opportunités de l’IA pour l’environnement


Risques et opportunités de l’IA pour l’environnement
Dans la perspective du Sommet international pour l’action sur l’Intelligence Artificielle (IA) qui se tiendra à Paris les 10 et 11 février 2025, le Conseil Économique Social et Environnemental (Cese) a présenté un projet d’avis sur les risques et opportunités de l’IA pour l’environnement, voté à l’unanimité le 24 septembre 2024. Mme Clara Chappaz, Secrétaire d'État chargée de l'Intelligence Artificielle et du Numérique a donné sa première intervention depuis sa nomination au gouvernement lors de cette séance plénière.

D’ici 2027, près de 500 millions de personnes utiliseront l’IA dans le monde. Cela touchera tous les secteurs de métiers. Or, 31% des employés se sentent préoccupés au sujet de l’utilisation de l’IA. Ces chiffres soulignés par la Secrétaire d’État chargée de l’Intelligence Artificielle et du Numérique, rattachée au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, justifient des travaux sur les impacts de l’IA pour accompagner les innovations de demain.

En ouverture, M. Thierry Beaudet, Président du Cese, rappelle « l’immatériel a des conséquences matérielles […] il apporte des solutions, comme des problèmes ». L’ambition du projet d’avis du Cese est d’analyser les impacts de l’IA sur l’environnement et de mettre en évidence les usages vertueux pour l’environnement.

Les impacts de l’IA sur l’environnement sont pluriels. Certains d’entre eux ont été présentés par les rapporteurs Mme Fabienne Tatot et M. Gilles Vermot Desroches : utilisation de l’énergie, émissions de gaz à effet de serre liées au numérique et au cycle de vie des matières, consommation d’eau pour le refroidissement des data centers, diminution de la ressource en métaux rares liée à leur extraction, artificialisation des sols liée à la construction des réseaux et infrastructures. De plus, le phénomène de « l’effet rebond » pourrait se produire avec le développement de l’IA : il s’agit d’un phénomène constaté lorsque des ressources plus efficaces énergétiquement sont utilisées, mais que l’augmentation de l’usage du produit entraine une hausse de la consommation totale d’énergie. Pour conclure, peu d’études récentes documentent l’impact de l’IA sur l’environnement, alors que l’expansion de l’IA n’est qu’à ses débuts.

Par ailleurs, le développement de l’IA offre de nouvelles opportunités telles que la meilleure compréhension des écosystèmes et des phénomènes climatiques, la gestion efficace des ressources (exemple de MORFO pour la restauration des forêts), l’amélioration de l’accès aux informations sur l’environnement et la préservation de la biodiversité (exemple de l’application Pl@ntNet, présentée par Alexis Joly, Directeur scientifique et technique de la plateforme, plateforme de science participative pour le suivi et l’identification de la biodiversité végétale afin de contribuer à son inventaire), la meilleure détection des déchets (déchets plastiques en mer ; dans les déchetteries), l’optimisation des flux dans le domaine des transports, la meilleure gestion de l’eau, etc.

La commission du Cese affirme que pour garder le contrôle du développement de l’IA, le développement des bonnes pratiques est essentielle. Ainsi, les rapporteurs ont présenté les neuf propositions suivantes :

  • International : « Le Cese préconise que la France porte au niveau international le sujet du bilan environnemental des systèmes d’IA, notamment en proposant d’étudier les impacts de l’IA sur la réalisation des objectifs onusiens de développement durable (ODD) et en proposant la mise en place d’un événement de grande envergure, sur le modèle de la COP 21, pour mettre en avant des initiatives exemplaires et à fort impact » ;
  • Formation : « Les acteurs de la formation initiale et continue, tels que la commission des titres d’ingénieur, devront veiller à intégrer dans les programmes de formation les exigences d’écoconception et d’usage frugal pour les développements et algorithmes d’IA » ;
  • Recherche et développement : « En matière de recherche et d’innovation sur les IA, concentrer les financements publics sur les projets de développement d’IA « frugales » (Green IA) et sur les IA à finalité directement environnementale (IA for green) » ;
  • Utilisation des données : « Afin de garantir la fiabilité et rendre possibles la collecte et la mutualisation des données utilisées par les IA, il faut viser l’interopérabilité des systèmes mis en place par les opérateurs, dans le respect de la réglementation sur les données » ;
  • Évaluation de l’empreinte environnementale « de la fabrication à l’utilisation, en exigeant des entreprises concernées la transparence sur la consommation des ressources et en construisant un référentiel d’évaluation environnementale garantissant sa légitimité scientifique, politique et démocratique. Cette évaluation permettra aux utilisateurs, citoyens et entreprises, de choisir les IA les plus sobres » ;
  • Écoconception : « Intégrer systématiquement la démarche d’écoconception des équipements, notamment les terminaux, dont le renouvellement est accéléré par l’IA, en s’appuyant sur les normes et recommandations existantes » ;
  • Sensibilisation aux usages : « Responsabiliser les usagers par des campagnes d’information générales et spécifiques sur l’empreinte environnementale des IA et leur garantir la possibilité de déconnecter sur leurs applications les usages d’IA et la collecte de données » ;
  • Réduction de l’impact de l’implantation des data centers :
    • « Pour les projets d’implantation de centres de données, les pouvoirs publics devront veiller à faire respecter l’objectif de zéro artificialisation nette, notamment par l’utilisation de sites déjà artificialisés » ;
    • « Dès l’origine des projets d’implantation de centres de données (data centers), l’usage du système européen de notation de durabilité de ces centres et le principe de récupération de la chaleur fatale devront être intégrés ».

Le projet d’avis a été voté à l’unanimité et sans abstention (112 votes).

Ornella Insalaco
Rédactrice spécialisée en droit de l'environnement – Lamy Liaisons