Selon le professeur Richard Susskind, auteur d’ouvrages tels que The Lawyer of Tomorrow et Online Courts and the Justice of the Future, c’est en 2023 qu’il a été témoin des avancées technologiques les plus remarquables dans le secteur juridique au cours des quarante dernières années.
Il en tire trois conclusions essentielles, qu’il a récemment publiées sur le blog Orange Rag de Legal Insider.
La première est que, pour la première fois, la technologie est devenue une préoccupation pour les organes de direction des cabinets juridiques et des entreprises, non pas en tant que question opérationnelle, mais en tant que question stratégique.
Comme il l’explique, bien que ce sujet ait déjà été préalablement discuté par ces instances dirigeantes, l’avènement de l’IA générative signifie, selon lui, que nous assistons au développement de systèmes qui prendront en charge le travail des avocats. Un constat qui auparavant constituait une question opérationnelle administrative, devient une question qui affectera l’avenir des services juridiques.
Selon M. Susskind, la deuxième conclusion à tirer de 2023 est que le rôle que l’IA générative jouera dans le secteur est sous-estimé par ce dernier. À cet égard, il prévient que, bien que nous soyons encore à un stade naissant du développement de cette technologie, il y a un niveau d’activité et d’intérêt énorme à la fois dans l’exploitation et l’évolution de cette technologie.
Le troisième point, le plus important selon M. Susskind, est que si la plupart des avocats se sont concentrés sur l’impact de l’IA sur leur productivité, il y a des questions plus existentielles et à plus long terme auxquelles il faut répondre à cet égard.
La véritable clé, selon lui, est de savoir comment l’IA va permettre à des non-experts d’effectuer le travail des experts. À cet égard, prévient-il, nous pourrions assister à ce qui suit :
le nouveau concurrent le plus redoutable d’un cabinet d’avocats est un client doté de l’IA.
Il ajoute que « si la technologie évolue comme je le prévois, elle permettra aux organisations de faire beaucoup de travail elles-mêmes, de sorte qu’une grande partie du travail des cabinets d’avocats sera effectuée en interne ».
Ainsi, alors que de nombreux cabinets juridiques sont tiraillés entre la nécessité de se transformer et l’ampleur et le calendrier de cette transformation, M. Susskind souligne que » pendant ce temps, est en train d’émerger une industrie qui essaie justement de le faire ». Selon lui, il ne s’agit pas de quelque chose qui va se produire dans les 18 prochains mois pour des raisons culturelles, commerciales et réglementaires, « mais je vois clairement vers la fin de la décennie l’émergence de nouveaux concurrents ».
« Il s’agira d’un ensemble de progressions qui auront un impact énorme », a-t-il déclaré. « Mais ce sur quoi j’insiste, c’est qu’à la fin de la décennie, le paysage juridique sera très différent en ce qui concerne la manière dont les gens recherchent de l’aide. L’IA est un moyen pour les gens d’accéder à une aide qu’ils n’ont pas aujourd’hui ».
En d’autres termes, selon lui, les cabinets juridiques sont confrontés au dilemme de l’innovateur : « Les cabinets juridiques peuvent dire qu’ils ne changeront pas tant que cela ne soit nécessaire, mais lorsqu’ils en auront besoin, il sera trop tard ».