Réflexion sur l’IA et le droit sous l’angle du philosophe Raphaël Enthoven


Réflexion sur l’IA et le droit sous l’angle du philosophe Raphaël Enthoven
Raphaël Enthoven, professeur de philosophie et auteur, présente la deuxième partie des propos introductifs du forum des Éclaireurs du droit. Ses réflexions sont portées sur la thématique : « Sagesse, audace et tempérance face à l’Intelligence artificielle (IA) ».

La notion de sagesse permet de « prendre la mesure des limites de l’IA »

La sagesse « ne peut consister en un appel à la vertu » mais permet de « prendre la mesure des limites essentielles de l’IA » qui ouvrent vers la possibilité que l’IA n’est pas omnipotente.

Selon le professeur, la philosophie peut être considérée comme « cette limite fondamentale ». « L’IA a gagné la partie à tout égard, elle est omniprésente, et cette omniprésence est irréversible. Néanmoins, en philosophie l’IA ne sert à rien du tout, elle est inefficace, inutile ».

L’humanité ne sera pas le « grand remplacé » par l’IA, rassure Enthoven

« La machine est aussi loin de faire de la philosophie que l’on peut atteindre la lune en montant sur un escabeau », déclare le philosophe lors du forum.

Une des limites de l’IA réside dans l’« art de montrer ce qui pose problème dans une question que l’on nous pose, rien n’est plus utile dans une carrière professionnelle ensuite ». Ainsi, même si le prompt contient les informations les plus précises possibles la machine est incapable de faire ressortir un problème directement d’un sujet puisque « le chemin pour parvenir à la réflexion ne peut pas être celui de recommandations exogènes adressées à une machine ».

Le fait d’avoir cette capacité réflexive, « cet atome de pensée » permet à l’humanité de faire un « petit pas de côté » par rapport à l’IA.

L’humanité continue d’être « un casse-tête pour la machine »

La machine et l’humanité travaillent de manière « rigoureusement antinomique ».

  • La machine est « affaire de distribution et de redistribution », alors que ;
  • L’humanité est simple, elle « ne peut être saisie à force d’analyse, de découpage et de redistribution ».

La mémoire humaine ne fonctionne pas comme un ordinateur, il est difficile de faire la somme de tous les savoirs disponibles. Pour autant, ces savoirs nous reviennent lorsque nous en avons besoin, « nous en avions le souvenir mais ce souvenir était conservé nulle part » ajoute-t-il.

Ainsi, le philosophe soutient que « la mémoire humaine est une conservation sans conservatoire » contrairement à la machine qui « contient à l’état de trace la totalité des données qui sont les siennes ».

L’audace et la tempérance : une place au côté de la sagesse permettant de prendre conscience que l’humanité est « à tout égard hermétique à la machine »

Les notions de ce triptyque sont intrinsèquement liées et leurs définitions rassurent les professionnels du droit.

La sagesse face à l’IA est de « prendre la mesure des limites essentielles de l’IA ». Cela permet de comprendre que :

  • L’audace face à l’IA renvoie au fait « de penser que l’humanité est d’une étoffe que la machine ne synthétise jamais ».
  • La tempérance face à l’IA est « l’exercice d’humilité qui consiste à reconnaître que nous sommes incapables de fabriquer des machines intelligentes. Le don de la vie est à la portée de n’importe qui mais la fabrication de la vie, elle, est hors d’atteinte ».

Par ces réflexions le philosophe a ouvert la première table ronde du Forum des Eclaireurs du droit.

Alexandra Maldonado
Journaliste - Lamy Liaisons