Publication d’une stratégie d’usage de l’intelligence artificielle en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique d’Etat


Publication d’une stratégie d’usage de l’intelligence artificielle en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique d’Etat
Le 4 juin 2024 la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a publié un guide sur la stratégie d’usage de l’intelligence artificielle (IA) en matière de gestion des ressources humaines (GRH) dans la fonction publique de l’Etat. La DGAFP démontre les enjeux, opportunités ainsi que les défis de l’utilisation de l’IA dans ce domaine.

Nathalie Colin, directrice générale de la DGAFP, précise que « la définition d’un cadre d’usage éthique n’exclut pas des expérimentations et permet au contraire de poser les conditions de leur réversibilité ».

Un principe directeur pour l’usage de l’IA en GRH renvoie à un usage centré sur l’humain. Ce principe ressort de la recommandation de l’OCDE sur l’IA en 2019. Ainsi, ce principe est possible par le développement, selon la DGAFP, de trois autres principes gravitant autour de lui :

  • La protection de l’agent et de l’administration ;
  • Le contrôle par l’humain ;
  • La déontologie.

La DGAFP développe ainsi un rapport afin de faire sortir un cadre d’usage précis de l’IA en GRH au sein de la fonction publique. Un cadre d’usage est primordial pour l’intégration et l’utilisation de l’IA au sein de ces fonctions. L’utilisation de l’IA serait envisagée seulement comme un soutien plutôt qu’en remplacement du travail humain, sur des tâches spécifiques et non exhaustives d’un métier selon la DGAFP.

Une enquête effectuée entre décembre 2023 et janvier 2024 et conduite auprès du réseau interministériel de prospective RH souligne les bénéfices et les risques de l’IA en GRH. Respectivement elle souligne que :

  • Son intégration et son utilisation pourrait notamment apporter un gain de temps pour les managers et les services RH, élargir les champs d’analyse, harmoniser les processus RH, optimiser l’offre des services RH.
  • Toutefois, les bénéfices s’accompagnent de risques. L’IA ouvre à des risques comme la déresponsabilisation managériale, la persistance des biais cognitifs issus des programmations algorithmiques défaillantes, la perte d’attractivité des postes liées à la déshumanisation des services RH.

La publication du guide, le résultat d’une dynamique mondiale

Des travaux internationaux et européens sont publiés régulièrement concernant l’utilisation de l’IA, l’encadrement de l’usage et le renforcement des capacités humaines ainsi que l’accompagnement de la transformation du marché du travail. Cela suscite une dynamique dans laquelle la publication de la stratégie en juin 2024 par la DGAFP s’ancre.

Le guide souligne que l’OCDE estimait en 2019 que « dans quelques années seulement, il sera possible de libérer près d’un tiers du temps des fonctionnaires, leur permettant ainsi de passer de tâches banales à un travail à haute valeur ajoutée ». Il ajoute que cela pourrait également amener à renforcer les capacités des agents publics.

Le guide met en évidence qu’un règlement sur l’IA négocié depuis 2021 et adopté le 21 mai 2024 « donne une vision européenne de l’IA fondée sur l’éthique et la gestion des risques d’utilisation de cette technologie, qui, concernant en particulier la formation professionnelle, l’emploi et les ressources humaines, sont considérés comme élevés ».

Pour appuyer encore cette dynamique la DGAFP démontre qu’un accord européen sur la transformation numérique signé en octobre 2022 « intègre les enjeux liés à l’utilisation de l’IA dans les fonctions publiques européennes ».

Fixation d’un cadre d’usage pour l’intégration et l’utilisation de l’IA en GRH

Le Général de corps d’armée, adjoint du directeur des ressources humaines du ministère des Armées souligne que « l’intégration de l’IA dans les pratiques professionnelles du secteur public est un gage d’attractivité pour les générations les plus jeunes ».

Le Chef de projet Gestion et emploi publics au sein de la Direction de la gouvernance publique de l’OCDE souligne que « l’IA est aujourd’hui utilisée dans les fonctions publiques pour de la reconnaissance de données et de motifs de comportements à des fins de prévision et de production de supports d’interaction avec l’humain ».

Une nécessité de développer une gouvernance de et avec, et non par, l’IA dans les organisations de travail est mise en exergue. Effectivement l’IA amènera à une adaptation de l’organisation du temps de travail. Le rapport souligne que trois outils potentiels de GRH utilisant l’IA peuvent être développés :

  • Le coach virtuel (pour les agents) afin de donner des recommandations contextuelles de formation et d’apprentissage personnalisé.
  • L’assistant managérial numérique (pour les managers) pour la rédaction de fiches de postes notamment.
  • L’outil numérique d’appui à la GRH (pour les gestionnaires RH) avec comme fonctions l’analyse des résultats des enquêtes internes, l’identification des compétences émergentes.

A la fin du rapport, un cadre d’usage ressort. Celui-ci se découpe en trois points :

  1. Intégration et utilisation de l’IA

Dans ce point l’idée serait notamment d’identifier les responsables des technologies et méthodologies d’IA, identifier les fonctions pouvant exploiter l’IA et les objectifs à atteindre pour la structure et ses RH en utilisant l’IA, définir des méthodologies d’exploitations de l’IA et des données.

  1. « GPEEC de l’IA »

Ce point vise à estimer les besoins actuels et futurs en compétences RH en IA et en compétences complémentaires, estimer les effets de l’IA sur les métiers et emplois RH. Les emplois sont primordiaux puisque cela aurait aussi pour but d’attirer et recruter des profils formés à l’IA pour accompagner et encadrer son utilisation.

  1. Formation et accompagnement des agents

Le but serait d’acculturer et former les managers et agents à l’IA et ses usages, de créer un référentiel de règles au croisement de l’éthique RH et de l’éthique numérique mais également d’accompagner les agents dans leurs responsabilités renouvelées et le développement de leur agentivité dans l’utilisation de l’IA.

Pour autant, il est intéressant de noter que la sous-directrice de la synthèse statutaire, des politiques territoriales et des partenariats de la DGAFP met en évidence le fait que « la définition d’un cadre d’usage de l’IA suppose un dialogue social ».

Alexandra Maldonado
Journaliste - Lamy Liaisons