Promulgation de la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) - Précisions sur les pouvoirs des autorités nationales de concurrence au titre du DMA


Promulgation de la loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN)
La loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite SREN, a été publiée au Journal officiel le 22 mai 2024. Parmi ses nombreuses dispositions, la loi précise les nouvelles compétences de certaines autorités au titre du règlement sur les marchés numériques.

La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dite loi « SREN », a été promulguée le 21 mai 2024 et publiée le 22 mai 2024. Selon le ministère chargé de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, cette loi « marque une étape importante de la transition numérique de notre société », et acte « une avancée significative en matière de renforcement de la protection des citoyens, notamment des mineurs, et des entreprises en ligne ».

En substance, cette loi aborde de nombreux thèmes : protection des enfants de la pornographie, lutte contre la cybercriminalité, la haine en ligne et les deepfakes, mise en place d’une réserve citoyenne du numérique. Elle accompagne également les entreprises : accélération de la transition « cloud » de l’économie française, instauration d’un réseau national des régulateurs. Et parmi ces nouvelles dispositions, la loi SREN intègre dans le droit français de nouvelles compétences des autorités de régulation nationales au titre du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA), et du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA). Nous présenterons ici les apports de la loi concernant le DMA.

L’Autorité de la concurrence et la DGCCRF chargées d’encadrer les contrôleurs d’accès

Pour rappel, le DMA est destiné à encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes numériques, désignées par le règlement comme des « contrôleurs d’accès » (ou « gatekeepers »), et qui jusqu’alors pouvaient échapper aux règles concurrentielles. Si elles remplissent les conditions pour être qualifiées de contrôleurs d’accès, ces entreprises sont soumises à différentes obligations et interdictions claires afin d’assurer des relations loyales, et doivent également informer en amont la Commission européenne en cas d’opérations de concentration.

L’article 53 de la loi SREN précise les pouvoirs attribués aux autorités françaises afin de s’assurer de la bonne application, au niveau national, du DMA.

Le nouvel article L. 450-11 du Code de commerce désigne « l’Autorité de la concurrence, le ministre chargé de l’Économie et les fonctionnaires qu’il a désignés ou habilités conformément à l’article L. 450-1 » du Code de commerce comme autorités chargées de la bonne application de certaines dispositions du règlement sur les marchés numériques. Ainsi, ces autorités sont chargées de faire appliquer les règles prévues à l’article 1er § 6 du règlement. En substance, l’article précise que le DMA est sans préjudice de l’application des articles 101 et 102 TFUE, des règles de concurrence nationales qui interdisent les infractions au droit de la concurrence, ainsi que du règlement et règles nationales relatives au contrôle des concentrations.

Le nouvel article L. 450-12 du Code de commerce précise que ces autorités nationales disposent des pouvoirs prévus par l’article 22 § 2, par l’article 23 §§ 3, 4 et 7 à 10, ainsi que par l’article 38 §§ 6 et 7 du règlement sur les marchés numériques.

Plus précisément, il est prévu qu’en vertu de l’article 22 § 2 du règlement, la Commission européenne informe ces autorités en cas d’audition dans les locaux d’une entreprise présente sur leur territoire. Si elles le demandent, les agents de ces autorités nationales peuvent prêter assistance aux agents et autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour conduire l’audition.

Ces autorités apportent également leur soutien en cas d’inspections menées par la Commission. Il est ainsi prévu que la Commission peut demander le concours de ces autorités nationales (DMA, 23 § 3), que ces dernières peuvent exiger à l’entreprise de fournir de nombreux éléments (accès à l’organisation, fonctionnement, système informatique, algorithmes, traitement des données, pratiques commerciales, explications, ou encore poser des questions à tout représentant ou membre du personnel ; DMA, 23 § 4). À ce titre, ces autorités nationales prêtent un concours actif à la Commission et disposent des pouvoirs prévus aux paragraphes 2 et 4 de l’article 23 (DMA, 23 § 7). En cas d’opposition à une inspection, l’État membre ou l’autorité prête l’assistance nécessaire afin que la Commission puisse exécuter la mission d’inspection (DMA, 23 § 8), même si cela passe par l’intervention du juge judiciaire (DMA, 23 § 9). Dans ce cas, l’autorité judiciaire nationale vérifie la décision de la Commission, s’assure de la proportionnalité des mesures coercitives, et peut demander à la Commission ou à l’autorité nationale des explications (DMA, 23 § 10).

Cette coopération entre la Commission et les autorités nationales passe également par la possibilité pour l’autorité européenne de demander de soutenir toute enquête de marché (DMA, art. 38 § 6). L’autorité nationale peut, de sa propre initiative, mener une enquête sur un cas de non-respect éventuel des articles 5, 6 et 7 sur son territoire, et doit en informer la Commission par écrit avant de prendre une première mesure d’enquête formelle. Si la Commission ouvre une enquête, l’autorité nationale ne pourra plus mener d’enquête, et devra la clôturer si une enquête était en cours (DMA, art. 38 § 7).

Selon le nouvel article L. 462-9-2 du Code de commerce, il est prévu qu’en vertu de l’article 27 du règlement, les tiers peuvent informer les autorités nationales de pratiques ou comportements de contrôleurs d’accès relevant du champ d’application du règlement. Les autorités ont « toute latitude » en ce qui concerne les mesures appropriées et ne sont pas tenues de donner suite aux renseignements reçus. Si elle estime qu’il peut y avoir un cas de non-respect, l’autorité nationale transmet les renseignements à la Commission.

Enfin, selon le nouvel article L. 490-9 du Code de commerce, « le ministre chargé de l’Économie ou son représentant est compétent pour adresser à la Commission européenne une demande d’ouverture d’une enquête de marché en application de l’article 41 » du DMA.

Jérémy Berlemont
Rédacteur en chef - Revue Lamy de la concurrence