Il s’agit d’offres de placement sur des livrets d’épargne à forte rentabilité (au-delà de 4% et pouvant atteindre 8 à 10 %), sur des crypto-actifs, des placements atypiques (parkings, diamants, énergies renouvelables…) ou des financements par l’octroi de crédits assortis de taux d’intérêt particulièrement bas.
Ces financements, aux perspectives très lucratives, sont proposés sans prise de garantie et sans vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
Le présent article a pour ambition de dresser un panorama des fraudes financières en cinq questions.
Comment identifier les arnaques aux placements et aux financements ?
Les prospects sont généralement contactés par les escrocs par tout moyen (e-mail, téléphone, réseaux sociaux…) en vue de proposer des placements financiers assortis de rendements bien plus élevés que les placements proposés par le marché, avec l’assurance qu’il s’agit de placements garantis.
Il est également possible que les prospects soient à l’origine de la prise de contact, après avoir entrepris des recherches sur internet au titre d’investissements « alternatifs » ou après qu’ils aient consulté des publicités aux conditions alléchantes.
Les fraudes financières se déclinent généralement sous deux formes :
- soit l’escroc sollicite directement, auprès de la victime, le versement de fonds entre ses mains au titre des investissements ou de prétendus frais de dossier, entretenant parfois sa croyance par le versement de premiers gains aux fins de la convaincre d’investir davantage ;
- soit il se limite à recueillir les données personnelles de la victime telles que ses documents officiels d’identité, son relevé d’identité bancaire, ses fiches de paie, afin de solliciter, par la suite, l’ouverture d’un compte bancaire en ligne et l’octroi d’un crédit par usurpation d’identité.
Que faire pour s’en protéger ?
Il faut, en premier lieu, garder à l’esprit qu’il existe toujours, dans la gestion de son portefeuille, une corrélation entre risque et rendement.
La perspective d’un rendement élevé de l’investissement induit inéluctablement un risque élevé. A l’inverse, si le prospect ne s’expose à aucun risque, il ne peut raisonnablement espérer une rentabilité importante.
Ainsi, la forte rentabilité d’un placement sur livret d’épargne (telle une proposition à un taux supérieur au Livret A (qui est actuellement de 2,4 %) ou la proposition d’un crédit sans vérification préalable de la solvabilité de l’emprunteur, sans garantie (caution, hypothèque) et à un taux avantageux ne peuvent qu’interroger.
En second lieu, il est toujours conseillé de rester prudent et de questionner son interlocuteur préalablement à tout engagement (nom, numéro d’immatriculation, adresse, site internet, courriel…), vérifier son identité, les mentions légales du site internet et s’assurer que ce dernier est bien autorisé à commercialiser le produit proposé.
Il peut être recommandé de consulter le registre des agents financiers agréés (REGAFI), le registre des intermédiaires en assurance ou banque (l’ORIAS) afin de s’assurer que celui-ci est bien titulaire des autorisations nécessaires, ou encore la liste noire des sites ou des organismes identifiés comme procédant à des escroqueries financières, établie par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) ou bien encore la liste blanche de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) qui révèle les prestataires autorisés à fournir en France des services sur crypto-actifs (PSAN) ou de financement participatif (PSFP).
Ces consultations ne sont toutefois pas exclusives de tout risque dans la mesure où les escrocs, redoublant d’imagination, usurpent parfois l’identité des sociétés autorisées, notamment par l’utilisation de leur numéro de téléphone (spoofing).
Il ne peut qu’être préconisé, afin de lutter efficacement contre ce détournement, de rappeler le numéro de l’interlocuteur ; seul moyen permettant de certifier l’origine de l’appel.
En troisième lieu, il est recommandé de s’interroger sur ses besoins d’épargne et le niveau de risque acceptable en lien avec sa situation financière afin d’investir raisonnablement, sans céder aux sollicitations de son interlocuteur, en dépit de l’urgence et du caractère tout à fait « exceptionnel » du produit proposé !
De quelle action dispose la victime d’une fraude financière ?
D’un point de vue juridique, les arnaques financières répondent généralement à la qualification pénale du délit d’escroquerie lequel est défini, par l’article 313-1 du code pénal, comme « le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
S’il est vrai que la plupart des escroqueries financières sont réalisées par des organisations situées hors de France, compromettant le succès de la répression des escrocs et l’indemnisation effective des victimes, il apparaît indispensable pour les victimes de déposer une plainte pénale afin de préserver leurs droits et d’éviter tout risque de poursuite des faits de blanchiment.
Il peut ainsi être procédé au dépôt d’une pré-plainte en ligne (sur le site https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr) avant de réitérer les déclarations au commissariat de police ou à la gendarmerie ; il est également possible de déposer plainte directement auprès du procureur du Tribunal judiciaire du lieu de votre domicile, en lui adressant un courrier par voie recommandée, relatant précisément les faits (modalités de mise en relation par l’escroc, nom de domaine du site internet, montant des fonds versés, coordonnées des interlocuteurs, copie des échanges intervenus et des éventuels documents remis…).
Pour le cas où l’escroc serait poursuivi devant les juridictions pénales, la victime dispose de la possibilité de se constituer partie civile aux fins de solliciter la réparation de son préjudice financier et moral.
Enfin, la victime peut opérer un signalement sur le portail officiel du Ministère de l’Intérieur afin de favoriser la détection de nouvelles fraudes.
Quel est l’impact du développement de l’intelligence artificielle sur les fraudes financières ?
L’intelligence artificielle dite générative suscite actuellement un fort engouement et nourrit les fantasmes autant qu’elle inquiète.
La matière financière n’échappe pas à cette ambivalence dans la mesure où le développement de l’intelligence artificielle va inévitablement conduire à une multiplication des fraudes par le recours à des mécanismes toujours plus sophistiqués, mais doit aussi permettre de lutter plus efficacement contre ces dérives, par une anticipation et une détection accrue.
Ainsi, par la production de documents, d’images, de vidéos ou d’autres médias appelés « deepfake », par l’usurpation de l’identité de personnalités publiques ou bien encore par la reproduction de la voix d’un tiers, le développement de l’intelligence artificielle va nécessairement crédibiliser les manœuvres frauduleuses ce qui ne peut qu’inviter à davantage de vigilance.
Ceci étant, l’IA générative nourrit aussi de nombreux espoirs dans la détection des fraudes financières et donc dans la capacité à mieux lutter contre celles-ci. En effet, grâce à des modèles d’apprentissage automatique, l’IA parvient à repérer les risques de fraude par comparaison à des fraudes préalablement établies et devrait, selon les spécialistes, s’améliorer avec le temps.
La méthode de l’IA scoring (consistant à affecter un score résultant d’une probabilité de défaillance, de fraude…) a parfaitement illustré l’optimisation apportée par l’IA dans un volet de prévention en ce qu’elle a notamment permis de dresser des soupçons de fraude et l’élaboration de listes noires.
Elle a toutefois été interdite par le règlement européen dit « AI ACT » du 13 mars 2024 après avoir présenté ses limites dans le traitement automatisé de données à caractère personnel en violation des dispositions du RGPD en contrevenant au principe de présomption d’innocence.
Quels risques encourent les influenceurs et entreprises complices, même involontairement, de ces schémas frauduleux ?
La plupart du temps, les influenceurs postent des vidéos sur les réseaux sociaux (Instagram, Snapchat, TikTok et, dans une moindre mesure, Facebook et Twitch) dans lesquelles ils expliquent comment obtenir très aisément de l’argent ou investir dans des placements présentés comme étant très rentables.
La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux est venue répondre au vide juridique et aux dérives constatées par la promotion de biens ou de services, notamment la communication de produits financiers à haut risque.
Ces produits financiers, définis à l’article L 533-12-7 du Code monétaire et financier (risque maximal non connu au moment de la souscription, risque de perte supérieure au montant de l’apport financier initial, risque de perte non compréhensible…) ne peuvent désormais faire l’objet d’une promotion par la personne exerçant l’activité d’influenceur.
L’influenceur qui se livrerait à cette promotion s’exposerait à une peine d’emprisonnement de deux années outre 300.000 € d’amende ainsi qu’à une interdiction définitive ou provisoire d’exercer l’activité d’influence commerciale.
Si la communication ne porte pas précisément sur les produits financiers sus évoqués, à l’image du trading ou des formations en ligne proposées, les schémas frauduleux demeurent punissables en cas de complicité mais supposent une aide ou assistance apportée « sciemment », qui doit être justifiée par la connaissance du caractère frauduleux des placements ou des financements.