Le Cese recommande aux partenaires sociaux de se saisir du thème de l’intelligence artificielle


Le Cese recommande aux partenaires sociaux de se saisir du thème de l’intelligence artificielle
Dans un avis du 14 janvier, le Cese appelle les organisations syndicales et patronales à négocier un accord national interprofessionnel sur le déploiement de l’IA (intelligence artificielle) en entreprise. Plus largement, ses auteurs considèrent que le dialogue social doit se saisir de ces nouveaux outils susceptibles de bouleverser le quotidien des travailleurs. Ils préconisent également d’adapter les compétences des salariés en les formant à l’IA.

L’intégration de l’IA dans notre modèle productif peut tout autant s’avérer positive pour les travailleurs (faciliter ou éliminer des tâches complexes ou pénibles, accroître et sécuriser la production, diversifier les savoir-faire, etc.), que dégrader les conditions de leur activité (fragiliser la connaissance, les compétences et le collectif, intensifier le travail, les attentes productives et la surveillance de l’activité, etc.). Face à ces enjeux, le Cese (Conseil économique, social et environnemental) formule, dans un avis du 14 janvier, une série de préconisations relatives au déploiement de ces nouveaux outils, notamment au sein des entreprises.

Faire de l’IA un sujet de dialogue social

Pour le Cese, les partenaires sociaux devraient se saisir du thème de l’IA à tous les niveaux. Avant d’adopter un système d’IA, il préconise d’agir avec prudence en réalisant des études d’impact et en associant les salariés et leurs représentants. Le dialogue social au sein des instances représentatives du personnel doit ainsi jouer un rôle crucial dans l’intégration de l’IA en entreprise. Afin de le favoriser, le Cese recommande aux partenaires sociaux de négocier un accord national interprofessionnel « sur le déploiement de l’IA dans les entreprises et la manière de façonner l’IA pour produire mieux, en adéquation avec les besoins identifiés ». Cet accord servirait de base aux négociations d’entreprise et de branche. Il devrait permettre « d’impliquer les travailleurs dans la conception des systèmes d’IA (SIA) pour s’assurer qu’ils répondent aux besoins réels et qu’ils créent des opportunités d’amélioration ». Il favoriserait aussi l’intégration des enjeux de mixité et de diversité dans la conception de l’outil, en particulier pour se prémunir contre les biais, notamment sexistes, susceptibles d’être induits par les données alimentant les IA.

Au niveau des entreprises, le dialogue social devrait également contribuer à l’élaboration de chartes éthiques sur l’utilisation de l’IA. Celles-ci comporteraient des engagements en matière d’information des utilisateurs sur le traitement des données, le respect des réglementations (RGPD, AI Act) et l’impact environnemental des outils d’IA. Elles intégreraient également des exemples de « bonnes pratiques » et fixeraient des lignes directrices (réaliser une évaluation préalable des impacts des systèmes d’IA sur le travail, questionner l’intérêt d’un déploiement au regard des alternatives possibles).

Contrôler l’impact de l’IA sur le travail et les compétences

Autre préconisation du Cese, lors de l’introduction de l’IA en entreprise : surveiller et adapter ses effets sur les conditions de travail. Il est nécessaire de veiller à maintenir l’autonomie des travailleurs et leur capacité à prendre des décisions éclairées, malgré l’intégration des systèmes d’IA, précise l’avis. En outre, lorsque l’IA induit des risques professionnels, ceux-ci devraient être intégrés dans le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) et faire l’objet d’un suivi en CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail). L’IA pourrait aussi être mobilisée pour améliorer la sécurité au travail, en identifiant et en atténuant les risques potentiels.

« La gestion du changement est essentielle pour assurer une transition en douceur vers l’utilisation de l’IA », estime également le Cese. Pour limiter les risques liés à cette « rupture technologique », il recommande donc d’informer les travailleurs sur les avantages et inconvénients de l’IA et de favoriser une intégration progressive, sans pression excessive. L’impact de leur mise en place devrait en outre être évalué afin d’apporter les améliorations nécessaires et d’ajuster la stratégie en fonction des retours d’expérience. Afin de doter les salariés des connaissances et compétences nécessaires pour coexister avec ces nouvelles technologies, ces derniers devraient bénéficier de formations à l’IA. Ces actions seraient inscrites au plan de développement des compétences et abordées lors des négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En outre, elles seraient intégrées à la formation obligatoire des membres des comités sociaux et économiques et, en particulier, ceux de la CSSCT. Des programmes de mentorat, où des experts en IA pourraient aussi guider les autres travailleurs dans l’acquisition de nouvelles compétences.

Les thèmes à aborder pour négocier sur l’IA

Dans une étude adoptée également le 14 janvier, le Cese propose un cadre pour permettre au dialogue social de se saisir du sujet de l’IA. Il identifie neuf points d’attention pour les représentants du personnel, la direction, voire les branches, lors de la mise en place d’un système d’IA, à savoir :

– le besoin de clarté sur la démarche et sa nécessité pour l’entreprise ;

– les conséquences sur le contenu des emplois (compétences remplacées, formations nécessaires, etc.) ;

– les conséquences sur l’organisation du travail et du temps de travail ;

– le suivi de l’impact sur la santé physique et mentale (risque d’intensification) ;

– les conditions de prévention des biais de l’IA (genre, handicap, âge, et plus généralement tout type de stéréotype) ;

– le partage de la valeur et des gains de productivité attendus (salaires, temps de travail, etc.) ;

– la protection des données des salariés, comme des entreprises ;

– l’impact environnemental ;

– l’accès à l’IA des entreprises, notamment les plus petites.

Liaisons Sociales Quotidien