La régulation des plateformes numériques et la liberté d’expression


La régulation des plateformes numériques et la liberté d’expression
Lors d’un colloque organisé par la Cour de cassation fin septembre 2024 la conciliation de la liberté d’expression et des plateformes numériques a été au cœur des débats. Les plateformes numériques, cassant les frontières géographiques connues, appellent à de nombreuses interrogations pour les professionnels dont l’article cite les propos, notamment les professionnels juridiques, au niveau de leur réglementation.

La notion de plateforme numérique, une notion nouvellement définie

Une définition est apportée à la notion de plateforme par le règlement DSA (Digital Service Act) s’appliquant sur l’ensemble des plateformes depuis février 2024 entrainant une loi du 21 mai 2024 pour abroger les définitions dans les différents Etats membres.

Maître Alexandre Mandil, avocat au Barreau de Paris, avait expliqué cela en signalant que « désormais, en droit européen une plateforme en ligne sera définie par le règlement DSA en son article 3 comme « un service d’hébergement qui, à la demande d’un destinataire du service stock, va diffuser au public des informations à condition que cela ne soit pas d’une manière accessoire et d’une fonction mineure du service » ».

La liberté d’expression, une interrogation au cœur des plateformes numériques

Le modérateur de cette conférence, Guilhem Julia, maître de conférences en droit privé et co-directeur du Master 2 Droit des activités numériques de l’Université Sorbonne Paris-Nord, interroge la limite jusqu’à laquelle les plateformes peuvent-elles ou non restreindre la liberté d’expression.

Maître Delphine Bastien, avocate au Barreau de Paris, avait souligné que la « liberté d’expression est une liberté fondamentale ayant pour vocation de protéger la liberté de pensée, d’opinions et de croyances. Elle permet également de protéger la liberté de recevoir et de communiquer des informations, des idées ». Toutefois, elle souligne le fait qu’il est difficile d’apprécier l’abus de liberté d’expression sur les plateformes numériques et que, pour qualifier cet abus, un examen au fond détaillé est nécessaire. L’avocate illustre ce lien entre droit à la liberté d’expression et plateforme numérique en prenant l’exemple des réseaux sociaux et de l’appréhension des limites de l’exercice de la liberté d’expression sur ces derniers :

  • Maître Delphine Bastien démontre que « la sphère publique est désormais ouverte à toute personne ayant publié un contenu. Une loi pour régir tout cela existe, celle de 1881, néanmoins elle vise essentiellement les journalistes professionnels, les éditeurs de presse». Pour autant elle continue en nuançant ses propos puisqu’elle met en évidence que « cette loi s’applique pour sanctionner l’abus de la liberté d’expression également sur les réseaux sociaux malgré le code de langage particulier, souvent très courts qui découle de cette plateforme. Par conséquent, dans l’hypothèse d’un abus de liberté d’expression au travers d’un hashtag, il convient d’analyser tout le contenu qui l’entoure de manière casuistique et extrêmement détaillée ».

Elle conclut que « seul une analyse casuistique, détaillée, au fond, avec tous les éléments permet d’apprécier s’il y a une atteinte à la liberté d’expression. L’abus de cette dernière étant difficile à déterminer » au vu de l’évolution grandissante et des formes multiples et variées qu’elle peut revêtir.

La liberté d’expression, un exercice réglementé sur les plateformes numériques ?

Benoît Loutrel, membre du collège de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), amorce le questionnement en mettant en évidence que, depuis quelques années, pour gérer l’espace numérique, il n’est plus question de faire appel aux directives européens mais au règlement :

  • « Effectivement, on réalise que lorsque nous étions dans le monde physique il était possible de faire une directive. Pour autant, sur l’arrivée et l’expansion des plateformes numériques cela est plus difficile à cause, par exemple, du brouillage des frontières que leur développement entraîne. Pour apporter la sécurité juridique nécessaire il faudrait une unité des normes malgré les différences géographiques et non des fragmentations dues aux régimes variant parfois de manière minime entre les différents Etats».

Pour Benoît Loutrel il faudrait « éviter d’avoir une approche de loi nationale dans l’espace numérique puisque nous n’arrivons pas à délimiter nos géographies dans l’espace numérique ». Également, il faudrait « une meilleure cohérence de l’Union européenne et après voir avec le reste du monde ».

Alexandra Maldonado
Journaliste - Lamy Liaisons