« IA vs RH » par Sia : L’IA, l’ami des seniors en entreprise


L’IA, l’ami des seniors en entreprise
Chaque mois, les experts RH & Transformation du cabinet de conseil Sia décryptent pour Liaisons Sociales la révolution de l'intelligence artificielle et son impact sur les ressources humaines. Dans cette chronique, Marc Landré, associate partner RH & Transformation, déconstruit les préjugés concernant les seniors face aux technologies et démontre comment leur expérience, combinée à l'accessibilité de l'IA générative, constitue un levier de performance sous-exploité par les entreprises en transformation.

Que n’a-t-on pas entendu ces dernières décennies sur les salariés seniors ? Qu’ils sont trop chers et peu productifs, difficiles à manager et incompatibles avec les nouvelles générations, rétifs aux changements, sans ambition et attendant passivement la retraite, souvent absents… et, bien entendu, mal à l’aise – pour ne pas dire nuls – avec les nouvelles technologies.

C’est même écrit noir sur blanc dans le dernier baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, publié en décembre par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du Travail (OIT) : pour un actif sur deux, les seniors sont dépassés par les nouvelles technologies ! Un problème à l’ère de l’IA, notamment générative, qui rebat complètement les cartes des trajectoires professionnelles et replace la question des compétences numériques au cœur des parcours individuels. Reste que la réalité est différente et la coupe déborde de préjugés qui ne résistent pas longtemps à l’épreuve des faits.

Fake news

Prenons la prétendue déconnexion des seniors, selon laquelle les quinquas et sextas ne seraient pas à la page, largués et dépassés par les nouvelles technologies. Fake news ! L’illectronisme, c’est-à-dire la difficulté voire l’incapacité à utiliser les appareils informatiques ou les outils numériques en raison d’une absence de maitrise de leur fonctionnement, frappe toutes les classes d’âge, y compris les plus jeunes. Leur point commun ? Leur niveau de qualification, les non-diplômés étant sept fois plus touchés que les autres.

Surtout, les seniors ont su démontrer en 30 ou 40 ans de vie active, et plus souvent qu’à leur tour, leur extrême adaptation aux différents chocs qui ont traversé la société. Aux crises en tout genre bien sûr mais, aussi et surtout, à toutes les révolutions numériques qui ont bouleversé l’organisation du travail. Les nouvelles générations ne le savent pas mais les seniors ont commencé leur carrière au siècle dernier (un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas imaginer), c’est-à-dire avant l’avènement des téléphones portables et des e-mails, à une époque où le minitel faisait figure de technologie d’avenir, où les cadres s’agglutinaient le bras en l’air autour des bornes cellulaires à Paris pour tenter de connecter leur bi-bop, où les entreprises interdisaient l’usage d’internet au bureau et où on enregistrait des données sur des CD.

Adaptation permanente aux évolutions numériques

Personne n’aurait l’outrecuidance de parler d’un âge de pierre – beaucoup de seniors avaient un ordinateur portable ou une console de jeu à la maison – mais, avec l’hypertransformation que les entreprises connaissent aujourd’hui et à la vitesse à laquelle elles doivent s’adapter pour rester compétitives, ce passé finit sérieusement par ressembler à de la préhistoire…

Cette adaptation permanente aux évolutions numériques depuis plus d’un quart de siècle démontre, au contraire, que seniors et nouvelles technologies se complètent à merveille. Et encore plus à l’ère de l’IA qui, à la puissance, l’automatisation, le dépassement qu’elle apporte dans les process, les seniors répondent par l’expérience, le recul, la sagesse, la patience, l’humanité et une gestion du stress qui peut parfois faire défaut aux plus jeunes générations.

Ensemble, seniors et technologies forment l’alliance stratégique parfaite pour aborder, accompagner et dépasser les transformations qui impactent fortement les entreprises. Que l’on parle d’informatique quantique, de cryptomonnaies, de cybersécurité, d’IA frugale ou encore de réalité immersive et de recherche spatiale.

Eviter la disqualification

D’ailleurs, et c’est une caractéristique forte de cette quatrième révolution industrielle qui disqualifie au final moins les seniors que les précédentes, c’est la première fois qu’une mutation majeure, en l’occurrence l’IA générative fin 2022 avec la déferlante ChatGPT, pénètre d’abord la sphère du grand public avant le monde de l’entreprise. Qu’on le répète en boucle : il n’a fallu que 5 jours à Open IA pour avoir un million d’utilisateurs, versus 2,5 mois pour Instagram ou 2,5 ans pour AirBnb… Du jamais vu. C’est également la première fois qu’une technologie est utilisée d’abord à titre privé et que les salariés poussent leurs employeurs à l’adopter.

Et ce, pour deux raisons principales. Primo, son accessibilité. Pas besoin d’être informaticien pour savoir prompter et discuter avec une IA. L’outil, quel que soit le LLM (Large Language Model) utilisé, est des plus simples d’utilisation : conçu pour tous, facile d’accès, avec un langage qui accepte les fautes de frappe ou de langage… il n’est pas réservé aux seuls geeks et permet à tous, donc aux seniors, de rester connectés. Secundo, son évidence. Un senior n’a pas le choix que d’en maitriser l’usage pour éviter la disqualification par rapport aux nouvelles générations, plus « digital native » et à l’aise avec les outils numériques les plus récents.

Au final, les entreprises ont avec l’IA la meilleure des occasions de faire évoluer et grimper en compétences leurs salariés expérimentés pour mieux pouvoir les garder plus longtemps en emploi. Charge pour leurs dirigeants de continuer à former et inclure les seniors, comme n’importe quel autre collaborateur, dans leurs plans d’adaptation de l’employabilité et de développement des habilités professionnelles d’autant que si une compétence technique avait une durée de vie de 20 à 30 ans dans les années 1980, elle n’est plus que de 2 ans, maximum, aujourd’hui à l’ère de l’IA.

Un senior augmenté en vaut deux, non ?

Marc Landré
Associate partner RH & Transformation chez SIA Partners