En Albanie, l'IA rend les inspections du travail plus intelligentes et plus efficaces (OIT)


En Albanie, l'IA rend les inspections du travail plus intelligentes et plus efficaces (OIT)
« MIRA » (Matrice d’intelligence et d’évaluation des risques), un outil développé pour l’inspection du travail albanaise, aide les inspecteurs à détecter plus rapidement les infractions. Il analyse les risques et en prédit les problèmes grâce à l’apprentissage automatique, indique une enquête de l’OIT, publiée le 3 février.

La matrice d’intelligence et d’évaluation des risques (MIRA) a été développée pour l’inspection du travail et des services sociaux albanaise avec le soutien de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et un financement de l’Union européenne.

MIRA révolutionne la façon dont les inspections du travail sont menées en Albanie. En abandonnant les outils traditionnels comme la «matrice des sanctions» et les évaluations manuelles des risques, MIRA intègre une gestion avancée des données et des dossiers avec des capacités d’évaluation des risques basées sur l’exploration de données et l’apprentissage automatique.

Objectif

Les autorités d’inspection ont profité des progrès technologiques afin de recueillir davantage de données, et de meilleure qualité, indique un document de l’OIT de janvier 2024 qui explore les possibilités qu’offrent de nouveaux outils (« Data mining and machine learning: Supporting labour inspectorates to address undeclared work »/ Exploration de données et machines : Soutenir le travail des inspections du travail pour découvrir le travail non déclaré).

Une multitude de données sont stockées sur les serveurs de nombreuses institutions qui pourraient aider à mieux comprendre qui enfreint le droit du travail, comment cela est fait et pourquoi. Pourtant, ces données sont rarement utilisées pour améliorer les stratégies des inspections du travail.

Ce document se concentre sur la révélation du pouvoir prédictif supérieur des approches DM&ML (modélisation prédictive) – par rapport à des approches configurées manuellement – par le ciblage des entreprises en vue d’augmenter l’efficacité de l’inspection du travail dans la détection du travail non déclaré. Contrairement aux méthodes de signalisation manuelle, les outils DM&ML augmentent la précision prédictive en considérant d’abord automatiquement des variables qui sont « comment » et « pourquoi » travaille-t-on au noir ou dans certains domaines et, en second lieu, en identifiant les changements de comportement de certaines entreprises, et ce, beaucoup plus rapidement que les experts.

L’apprentissage automatique produit des classificateurs « boîte blanche » qui présentent leurs résultats en termes explicables, en améliorant la connaissance des utilisateurs et leur acceptabilité ainsi que leur confiance dans les résultats des modèles. Dans l’application de recherche, les chercheurs ont utilisé les données réelles d’environ 12 600 visites d’inspection du travail au sein des entreprises effectuées à travers l’Albanie entre 2021 et 2022.

L’exemple MIRA

Grâce à ses capacités d’évaluation des risques par apprentissage automatique, MIRA constitue une avancée majeure dans la planification des inspections du travail. Le système utilise simultanément neuf algorithmes avancés qui analysent les données historiques des inspections pour détecter plus précisément les cas de travail non déclaré ou d’autres violations des lois du travail et des normes de sécurité et de santé au travail (SST), tout en réduisant considérablement le temps d’analyse et de reporting.

L’exploration de données est la première étape de MIRA pour interpréter les vastes quantités d’informations collectées. En analysant de grands ensembles de données, l’outil aide à détecter des tendances cachées, des corrélations et des schémas qui passeraient autrement inaperçus. Il aide les inspecteurs à cibler les zones prioritaires, en mettant en lumière les risques liés aux relations de travail et à la sécurité et santé au travail. Sans cet outil, ces informations cruciales resteraient enfouies dans des rapports, obligeant les inspecteurs à se fier à leur intuition ou à des données incomplètes.

L’un des principaux avantages de MIRA est son accès en temps réel aux lois et réglementations les plus récentes. Les inspecteurs disposent des informations les plus actuelles à portée de main, évitant ainsi le risque d’utiliser des pratiques obsolètes ou incohérentes.

De plus, ce système garantit un traitement équitable pour toutes les entreprises, « qui peuvent être assurées que les inspections sont justes et transparentes », souligne l’OIT.

MIRA offre une puissance prédictive impressionnante : 70 % des inspections sont planifiées grâce à son évaluation des risques et ses analyses de données. Toutefois, 30 % des inspections restent aléatoires, afin de recueillir de nouvelles données pour affiner les prédictions et garantir une couverture équitable de toutes les entreprises.

Une expérimentation pour convaincre d’autres Etats de l’UE ?

Cet apprentissage automatique a permis une amélioration de 30 % dans la détection du travail non déclaré et sous-déclaré par rapport aux méthodes d’évaluation traditionnelles.

« Environ 68 % des cas identifiés de travail informel font partie des inspections planifiées, une nette amélioration par rapport aux inspections non planifiées. La planification automatisée a réduit les erreurs et accéléré le processus, permettant aux inspecteurs de se concentrer sur les violations les plus critiques », a commenté Albana Kuka, responsable du secteur d’analyse des risques.

Cette expérimentation réussie devrait aller plus loin. En effet, les données des enquêtes spéciales Eurobaromètre de 2013 et 2019 indiquent que la proportion de travailleurs de l’UE « qui travaillent au noir parce qu’ils croient ne rien recevoir en retour de l’État, et estiment qu’il n’y a donc aucun sens de payer des impôts » a doublé, passant de 5 % en 2007 à 11 % en 2019, rappelle l’OIT. Par ailleurs, les pays en développement sont un terrain fertile pour le travail non déclaré parce que l’Etat de droit est relativement laxiste, avec une corruption élevée, une confiance très faible des citoyens dans le gouvernement ou les institutions publiques, et un doute quant à l’application de la loi.

Pour atteindre leur objectif de lutte contre le travail non déclaré, les inspections doivent accroître leur efficacité et améliorer la qualité des services offerts aux employeurs et aux travailleurs. La planification réussie de l’inspection a pour résultat de cibler les employeurs qui violent le droit du travail. « En d’autres termes, le montant des ressources et des coûts requis pour effectuer une inspection réussie diminue à mesure que la proportion d’inspections réussies augmente ».

liaisons-sociales.fr/lse/2025/02/10/en-albanie-l-ia-rend-les-inspections-du-travail-plus-intelligentes-et-plus-efficaces-oit

Claire Padych
Journaliste Liaisons Sociales Europe