De la procédure participative au processus collaboratif : zoom sur les modes participatifs de règlement des différends à l’amiable


De la procédure participative au processus collaboratif : zoom sur les modes participatifs de règlement des différends à l’amiable
En dehors des tribunaux, des modes amiables de règlement des différends commencent à essaimer. Ils permettent de régler les différends par itérations successives, en s’affranchissant de la procédure judiciaire classique et de l’intervention du juge. Zoom sur ces accords négociés et rédigés par les avocats des parties avec Maitre Sonia Koutchouk, avocate et médiatrice au cabinet SEMYA AVOCATS, et experte des modes amiables.

Qu’est ce que le processus collaboratif ? En quoi est-ce innovant ?

Cette méthode, qui s’inscrit en dehors de la procédure judiciaire, permet d’aboutir à un accord à valeur légale sans l’intervention d’un juge. Elle repose sur un contrat passé avec nos clients. Deux avocats représentent chacune des parties.  Elle est essentiellement centrée sur les besoins et préoccupations des clients, et sur une approche issue des outils de la négociation raisonnée et de la communication non violente.

Au départ, les parties signent une convention d’engagement qui soumet le processus à la confidentialité dans son intégralité, ce qui est particulièrement précieux en droit des affaires, où l’on observe que désormais tout le monde a accès aux jugements.

Chaque réunion est consacrée à une thématique, les points de désaccord et les solutions sont étudiées itération par itération. Le travail se fait en binôme client-avocat, et aussi de conseil à conseil. Cela permet d’avoir une vision commune des solutions et de proposer des options chiffrées. Cette approche permet d’obtenir une proposition finalisée où tout est couvert, par exemple dans le domaine du divorce. Tout sera abordé : les enfants, le mode de garde, la résidence principale, la liquidation du régime matrimonial.

Le processus collaboratif est applicable dans le domaine du droit familial, du droit social, du droit des affaires, droit commercial, dès que le différend relève du civil. Le caractère confidentiel du déroulement du processus en fait un atout supplémentaire.

Cela permet à mon sens de résoudre les conflits de manière beaucoup plus créative, innovante, sur-mesure et satisfaisante pour les deux parties.

Quelle forme prend l’accord final ?

En matière de divorce, c’est une convention rédigée par les avocats avec une partie liquidative (rédigée par les notaires s’il y a un bien immobilier ; sinon par les avocats) , notamment pour le partage des biens. La convention est enregistrée par un notaire et a valeur de jugement. Le divorce est transcrit dans les actes d’état civil.

En quoi est-ce différend de la procédure participative ?

Si effectivement dans les deux cas, une convention est établie, la procédure participative est judiciaire et codifiée par le Code Civil. On distingue deux cas, la procédure participative de mise en état (calendrier de communication des pièces justificatives, des argumentaire et conclusions) et la procédure participative de résolution du conflit dans son intégralité. Dans ce cas on entre dans une phase de négociation qui ressemble à celle du processus collaboratif. L’accord final peut être homologué par le juge, qui peut aussi être amené à trancher un litige résiduel.
Cette procédure, puisqu’elle est codifiée offre moins de souplesse dans l’exécution et impose des délais contraints. Elle reste très peu utilisée par les avocats.

Vous appliquez ici un modèle similaire d’itérations en boucles courte de celui qui est pratiqué en entreprise pour développer des solutions technologiques ?

Ca y ressemble. Notre souhait est de replacer le client au cœur du processus, et de proposer les solutions les plus personnalisées possibles. C’est au cœur de l’idée de l’accès simplifié à la justice.

Y-at-il une digitalisation de ces processus ?

La pandémie nous a appris à être agile, lorsque tout était arrêté sauf le pénal. Nous avons trouvé des solutions numériques, pour faire des réunions en visio, travailler sur des documents partagés. Lorsque tout était fermé, il nous a fallu être créatifs, aller chercher des outils du côté des impôts pour faire l’évaluation d’un bien immobilier par exemple. On fait signer nos conventions d’honoraires via le CNB, qui nous permet de respecter nos exigences RGPD. Notre credo c’est de simplifier l’accès à la justice, de montrer qu’il existe des solutions créatives, plus proche de nos clients. Si le site du service public a fait de gros efforts de simplification, il faut que l’on transpose cet effort côté avocat, via une base d’information centrée client par exemple.

Comment expliquer que ces modes amiables soient si peu connus ? 

Les avocats ont l’obligation, issue du règlement national intérieur de proposer l’option de règlement amiable aux clients. Tous les avocats devraient donc en principe informer leurs clients de ces modes de règlements alternatifs.

Pourquoi est-ce encore assez peu proposé ? La fausse croyance que l’amiable n’est pas rentable est encore très répandue. En réalité le temps passé est aux côtés du clients est long et valorisable. Et puis certains avocats restent encore formatés par le modèle traditionnel d’audience et de jugement.

Il faut noter aussi que le processus collaboratif ne peut être proposé que par des avocats formés, qui ont reçu une formation dédiée de l’Association française des praticiens du droit collaboratif. Après une dizaine d’années d’exercice, et différentes formations complémentaires j’ai suivi le DU MARD à Nanterre qui balayait l’ensemble des modes alternatifs au procès.

Cela coûte-il plus cher de passer par le processus collaboratif ? Dans quels cas d’espèce n’est-il pas recommandé ? 

Le processus collaboratif est particulièrement recommandé en cas de contexte émotionnel difficile, pour lequel les parties vont avoir besoin de temps et de support. La souplesse du processus permet de prendre le temps de faire les choses. Si besoin, on peut faire appel à un psy, à un médiateur, un notaire qui vont apporter une expertise et un soutien complémentaire.

Un procès, ce n’est pas un jeu à somme nulle. On peut gagner, mais aussi perdre, et on peut aussi perdre à deux. L’accord négocié permet d’éviter un règlement judiciaire où il est rare que les deux parties sortent  gagnantes.

Il est vrai que le processus collaboratif reste onéreux, car il prend du temps. Mais il reste particulièrement recommandé pour les situations où il  y a un patrimoine importante et beaucoup d’enjeux. Enfin il responsabilise aussi les participants ce qui est essentiel pour trouver des accords équilibrés. Ce processus donne à voir une autre forme de justice, où les clients deviennent acteurs.

Marine Landau
Journaliste